Biographies
ROBERT GLASPER
Né à Houston (Texas) le 5 avril 1978, Robert Glasper est formé au piano par sa mère, une chanteuse de gospel douée pour les claviers. À l'adolescence, il fait le choix de poursuivre ses études dans une école spécialisée dans le spectacle, la Elkins High School. Son diplôme en poche, il file vers la Grosse Pomme où l'attend un cursus à la New School University of Music située en plein coeur de Manhattan.
Pendant cette période, Robert Glasper se fait quelques amis dans les milieux jazz. Il se produit ainsi aux côtés du bassiste Christian McBride et du saxophoniste Kenny Garrett. L'application dont il fait preuve dans cette discipline ne l'empêche pas de succomber aux délices du rap, un péché mignon qu'il cultive depuis l'adolescence et le conduit à construire des ponts entre les deux univers. Sa rencontre avec le rappeur Bilal l'aide à se faire un nom et débouche sur toute une série de collaborations avec les plus grandes pointures du genre. « Rob G », comme on le surnomme, cachetonne pour Q-Tip, Meshell Ndegeocello, J Dilla, Erykah Badu, Jay-Z, Maxwell ou Kanye West (Late Registration), ce dont il est très fier.
Engagé par le label Fresh Sound New Talent, il signe en 2004 un premier album Mood, faisant honneur à son idole Herbie Hancock (dont il reprend « Maiden Voyage ») et développant des thèmes originaux en compagnie des saxophonistes ténor John Ellis et Marcus Strickland, du bassiste Bob Hurst et du batteur Damion Reid. Recherché pour son toucher dans les studios new-yorkais, Robert Glasper partage sa dextérité avec Roy Hargrove, Carly Simon ou Mos Def. Fort de cette réputation, le légendaire label Blue Note ne tarde pas à l'engager et produire les albums Canvas en 2005 et In My Element en 2007. Cette opportunité offre au pianiste l'occasion de s'essayer au Fender Rhodes et d'inviter Bilal.
L'album suivant, Double Booked, sorti à l'été 2009, marque un tournant dans la carrière de Robert Glasper. Ce troisième opus de durée double se partage entre une séance acoustique en trio avec Vicente Archer (contrebasse) et Chris Dave (batterie), et d'une partie électrique à laquelle participent les rappeurs Bilal et Mos Def. Le pianiste, qui fait Office de producteur, s'entoure également de Derrick Hodge (basse), Casey Benjamin (saxophone, vocoder) et se lance dans des improvisations ardues sans rien perdre de son feeling.
En 2012, sur son cinquième album Black Radio paru en février, il reconduit la formation The Robert Glasper Experiment face à un casting de vocalistes comprenant, outre ses acolytes Bilal et Mos Def, les stars Meshell Ndegeocello, Erykah Badu, Ledisi, Lupe Fiasco, Lalah Hathaway et Musiq Soulchild pour une série de duos. Robert Glasper réalise son rêve d'abolir les barrières entre les genres jazz, funk et rap, ce qui lui vaut une place de numéro un des ventes de jazz et un premier Grammy Award dans la catégorie album de R&B.
L'opus protéiforme inspire les suites Black Radio Covered: The Remix EP (2012) et Black Radio 2 (2013), selon le même principe. Ce dernier remporte un nouveau Grammy Award dans la catégorie meilleure performance R&B pour sa relecture du titre de Stevie Wonder, « Jesus Children of America ». Fort de cette nouvelle notoriété, c'est devant le public du studio A de Capitol que Robert Glasper enregistre en trio, avec Vicente Archer et Damion Reid, une série de reprises signées Radiohead, Joni Mitchell, Musiq Soulchild, Jhené Aiko, Bilal, John Legend ou Kendrick Lamar. L'album qui en découle, Covered (Recorded Live AT Capitol Studios), paraît en juin 2015.
Copyright 2015 Music Story Loïc Picaud
PATRICIA BARBER
Patricia Barber, née en 1955 à Lisle dans l'Illinois, est la fille du saxophoniste Floyd Shin Barber, musicien de Glenn Miller notamment, qui décède alors qu'elle n'a que neuf ans. Elle poursuit ses études musicales malgré les réticences de sa mère. Diplômée de psychologie et de piano classique, elle obtient un master en pédagogie jazz et se voue ainsi à une carrière de musicienne.
A partir de 1984, Patricia Barber joue et chante régulièrement au Chicago's Gold Star Sardine Bar et fidélise peu à peu son public. Elle produit son premier album, Split (1989), qui sort la même année que sa première prestation lors du North Sea Jazz Festival en Europe.
Son deuxième album très avant-gardiste, A Distortion of Love (1992), attire l'attention. Entourée du batteur Adam Nussbaum, du guitariste Wolfgang Muthspiel et du bassiste Marc Johnson, elle revisite des standards comme « My Girl » ou « Summertime », et offre également ses propres compositions instrumentales.
Bien accueilli, ce disque lui permet de signer avec le label Premonition Records, chez qui elle sort l'album suivant, Café Blue (1994), enregistré avec le batteur Mark Walker, le bassiste Michael Arnopol et le guitariste John McLean. En plus de standards, Patricia Barber propose ses propres compositions. Elle puise notamment son inspiration chez la poétesse Maya Angelou pour le titre « Mourning Grace » ou la romancière Virginia Woolf pour « Wood Is a Pleasant Thing to Think About ».
Patricia Barber s'entoure des mêmes musiciens et de Dave Douglas à la trompette pour réaliser Modern Cool (1998). Cet album est complété par la sortie suivante d'un live au Green Mill de Chicago, Companion(1999), avec John McLean à la guitare, Michael Arnopol à la basse, Eric Montzka à la batterie, Ruben Alvarez aux percussions et Jason Narducy au chant.
La chanteuse consacre entièrement son disque suivant, Night Club (2000), à des standards, entourée d'Adam Cruz à la batterie, de Marc Johnson à la basse et de Charlie Hunter à la guitare. Patricia Barber rend ensuite hommage, avec Verse (2002), à des compositeurs comme George Gershwin, Cole Porter ou Joni Mitchell. Elle réalise ensuite un second enregistrement en public intitulé Live : A Fortnight in France (2004).
Le disque Mythologies (2006) est un album d'envergure où Patricia Barber présente onze compositions originales inspirées du poème épique les Métamorphoses d'Ovide. Elle rend ensuite hommage à Cole Porter avecThe Cole Porter Mix (2008) où elle inclut trois nouvelles compositions écrites dans le style de Porter. Après un retour à l'indépendance pour Monday Night en 2009, Patricia Barber ouvre une nouvelle page avec Smash, brillant album paru début 2013 où elle s'illustre aux côtés de John Kregor (guitare), Larry Kohut et Patrick Mulcahy (contrebasse) et Jon Dietemyer (batterie).
D'une voix sensuelle et raffinée, Patricia Barber a l'art de s'approprier les standards. Ses arrangements musicalement audacieux sont telles ses propres compositions : rehaussés de ses talents de compositrice inventive et inspirée.
Copyright 2016 Music Story Sophie Lespiaux
ERNEST RANGLIN
Ernest Ranglin est un guitariste né le à Manchester (Jamaïque), qui a évolué dans différents styles musicaux, dont le jazz, le ska et le reggae avec un tel talent qu'on a pu lui discerner le titre de « patriarche de la musique jamaïcaine »1.
Ernest Ranglin commence à jouer très jeune de la guitare et du ukulélé. Il quitte la région rurale de la Jamaïque où il a grandi pour rejoindre Kingston au moment de l'adolescence. Le guitariste Cecil Houdini repère immédiatement son talent et l'embauche en 1948 dans sa formation: le Val Bennet Orchestra2.
En 1950 il rejoint le Eric Deans Orchestra et tourne avec cette formation dans les îles de l'archipel des Caraïbes. Plus tard Ernest Ranglin devient musicien de studio pour la JBC, la radio nationale jamaïcaine, puis il devient directeur musical du studio d'enregistrement Federal2. Il y monte son propre groupe avec lequel il joue dans les grands hôtels de la capitale et enregistre pour plusieurs producteurs comme Coxsone Dodd ou encore Duke Reid.
Devenu un musicien incontournable, il participe à l'arrivée de la vague du ska au début des années 1960, dont il est un des précurseurs avec par exemple le morceau Shuffling Bug enregistré avec Clue J & His Blues Blasters en 1959. Il est ainsi connu pour avoir donné naissance aux arrangements de My Boy Lollipop interprété par Millie Small, un grand succès commercial en Angleterre en 1964 et qui devait devenir un standard du ska3.
Reconnu par ses pairs et par les producteurs, il fut l'un des premiers artistes à signer sur le label de Chris Blackwell, Island Records. Il devient célèbre sur la scène internationale dès 1964 après la sortie de ses albums Wranglin et Reflection.
Style
Une oreille magique et virtuose pour les progressions harmoniques, Ernest excelle dans les solos de guitare. Spontanée, généreuse, passionnée, sa musique est, à l'instar d'un Billy Rogers, jouée avec le cœur : il 'chante' la guitare. Bien qu'il puisse jouer avec virtuosité ska, reggae, calypso et blues, son domaine de prédilection reste le jazz.
MELANIE DE BIASIO
Melanie De Biasio
D'ascendance italienne, Mélanie de Biasio, née le 12 juillet 1978 à Charleroi, grandit en Belgique où elle partage son adolescence entre les Flandres et la Wallonie. Élève du Conservatoire royal de Bruxelles en classe de flûte traversière, elle fait la rencontre des claviéristes Pascal Paulus et Pascal Mohy avec lesquels elle commence à se produire sur scène, au côté du batteur de jazz expérimenté Dré Pallemaerts.
Le style musical de Mélanie de Biasio oscillant entre pop, rock, blues et jazz se retrouve dans le premier album qu'elle enregistre avec ses complices. Intitulé A Stomach Is Burning, celui-ci paraît en 2007 sur le label Igloo, distribué en France par Abeille. Cumulant un emploi d'éducatrice, Mélanie de Biasio s'attelle ensuite à un deuxième album qu'elle souhaite maîtriser de bout en bout.
Ce sera No Deal, travaillé sur une maquette avant d'être enregistré en trois jours de studio. Sur ce nouveau recueil certifié disque d'or dans son pays, la chanteuse et flûtiste se charge elle-même de la production. L'album précédé d'une rumeur enthousiaste sort en France le 21 octobre 2013 avec pour titre phare le morceau « The Flow ». Les critiques élogieuses qui accompagnent sa réception font de Mélanie de Biasio le phénomène musical de la rentrée.
Copyright 2015 Music Story Loïc Picaud
E.S.T. ESBJÖRN SVENSSON TRIO
« Avec un titre d’album comme From Gagarin's Point of View, les gens se demandent : " Qu'est-ce que c'est ? Cela ne peut pas être du jazz !" Et c'est ça qui est super ! », Esbjörn Svensson.
E.S.T. (ou Esbjörn Svensson Trio) est un ensemble de jazz suédois, composé du contrebassiste Dan Berglund, du batteur et percussionniste Magnus Östrom, et du pianiste et compositeur Esbjörn Svensson. Ce dernier reste essentiel quant à la construction des choix artistiques du trio.
Un pianiste
Esbjörn Svensson est né en 1964, à Västeras, ville industrielle suédoise, d’un peu plus de cent mille habitants. Comme beaucoup de petits garçons, ses goûts musicaux se construisent au contact de sa mère, pianiste classique, de son père, collectionneur de disques de Duke Ellington et grand amateur de jazz. L’enfant est également un fervent de la radio suédoise, où il peut écouter les tubes pop venus du monde entier. Il s’essaie ainsi dans sa chambre à fredonner le « Ballroom Blitz » du groupe de Glam rock Sweet. Et, comme aussi souvent, c’est au lycée qu’il monte ses premiers groupes de rock, tout en suivant des leçons de piano.
Il Parfait sa formation technique à l’Université de Stockholm Kungliga Musikhögskolan (déplorant la part congrue de l’enseignement réservée à l’improvisation), où il apprend à goûter les œuvres du pianiste Jan Johansson. Ce dernier, dont la renommée ne traversera qu’à peine les frontières du pays, décède prématurément en 1968 des suites d’un accident de voiture, mais reste une influence déterminante du jeune homme. Figurent également au panthéon de Svensson les pianistes américains Keith Jarrett et Chick Corea, dont il est très vite en capacité de reproduire les tics stylistiques.
Dès les années 80, le jeune musicien est reconnu sur la scène scandinave, développant un style parfaitement original, alliant mélancolie et humour, gravité et exubérance. Il ouvre son piano, en pince les cordes pour se rapprocher des sonorités de la guitare, joue « Yesterday » des Beatles (car le géant Erroll Garner en faisait autant sur son clavier), tente de transcrire en jazz des chansons de Slade et s’intéresse déjà aux ordinateurs. En 1985, il crée néanmoins un duo de jazz bop orthodoxe, en compagnie du batteur Fredrik Norén.
Un trio de légende
C’est en 1990 qu’il monte son premier trio, incluant son ami d’enfance le batteur Magnus Östrom. En 1993, la formation est complétée par le contrebassiste Dan Berglund. Un premier album (When Everyone Has Gone) contribue très rapidement à pérenniser le nom du groupe dans son pays d’origine. Près d’une douzaine d’autres disques suivront, avec un succès croissant et un sens exponentiel de la transgression des genres. Dès ces prémices, les trois musiciens s’appuient en effet sur une double culture, réunissant enfin Thelonious Monk et Robert Wyatt, une approche harmonique originale se mêlant à l’influence du pianiste Bill Evans.
Ils développent de plus un sens aiguë de l’improvisation collective et se montrent tout aussi à l’aise face à une audience jazz que devant un public franchement rock, à qui ils vont jusqu’à proposer des light shows et autres effets de fumée. Dès cette époque, le trio prend l’habitude de se produire sur scène en compagnie de choristes.
En 1995 (alors qu’est édité l’album en public Mr. & Mrs. Handkerchief – plus de six années plus tard réédité en Europe sous le titre E.S.T. Live 95), Svensson est célébré comme musicien suédois de l’année. Il en est de même en 1996, lorsque l’album E.S.T. Plays Monk souligne les choix audacieux du pianiste.
En 1997, l’album Winter in Venice est récompensé du Grammy Award suédois de l’album de jazz de l’année. Esbjörn Svensson met à profit quelques instants de liberté pour enregistrer avec la chanteuse Viktoria Tolstoy, arrière-arrière-petite-fille de l’écrivain russe Léon Tolstoï (album White Russian).
Dès 1999, From Gagarin’s Point of View est le premier disque du groupe a être distribué à l’échelle planétaire.
Une reconnaissance
En 1998, le pianiste se voit attribuer les lauriers de compositeur suédois de l’année. En 2001, l’album Good Morning Susie Soho est consacré meilleur album de jazz en Grande-Bretagne. Strange Place for Snow (incluant la pièce « Serenade for the Renegade » en hommage à Radiohead), édité en 2002, consacre définitivement E.S.T. sur la scène internationale et reçoit de nombreux prix en Allemagne, en France, ainsi qu’au MIDEM (Marché international du Disque et de l’Edition musicale).
En 2003, le trio se voit, toujours en France, gratifié du prix de la Révélation internationale aux Victoires du jazz, à l’occasion de la sortie de l’album Seven Days of Falling. Il n’est alors pas rare que les concerts du groupe s’achèvent, public debout, par un standard de jazz fredonné en chœur par l’ensemble de l’assistance.
Au mois de décembre 2004, Esbjörn Svensson se voit décerner le Prix Hans Koller (compositeur autrichien, peintre abstrait et praticien virtuose du saxophone) du meilleur musicien européen de l’année. 2005 célèbre la sortie d’un double album : Viaticum est composé de pièces enregistrées en studio, et de sélections extraites d’un concert de Berlin.
L’album Tuesday in Wonderland (2006) ouvre la musique du groupe à un public plus jeune, plutôt amateur de groupes comme Radiohead. La même année, le groupe est la première formation européenne à occuper la couverture du prestigieux magazine américain Downbeat.
L’album E.S.T. Live in Hamburg est édité en 2007. Au début de l’année 2008, E.S.T. a mis la dernière main à un nouvel album, Leucocyte, projet Sonore mêlant une fois encore l’acoustique d’un trio de jazz traditionnel à des sonorités électroniques.
Une tragédie
Le 14 juin 2008, Esbjörn Svensson meurt tragiquement d’un accident de plongée sous-marine dans la Baltique, dans l’archipel d’Ingarö, proche de Stockholm. Il se livrait à son Sport favori, en compagnie d’un groupe d’amis, encadré par un instructeur. Malgré un transport d’urgence par hélicoptère à l’hôpital de l’université de Karolinska, il n’a pu être ranimé. Il était âgé de quarante-quatre ans. Il était marié et père de deux enfants.
De la musique baroque à la techno, de grandes plages électroniques à des figures rythmiques en répétition hypnotique, E.S.T. a élaboré un langage musical original, redéfinissant les limites du jazz contemporain et recueillant un succès tant critique que commercial. La disparition prématurée de son leader ne peut que souligner un sentiment d’inachevé face à une œuvre profondément novatrice.
Copyright 2015 Music Story Christian Larrède