A U D I O P A S S I O N

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E.S.T. ESBJÖRN SVENSSON TRIO

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« Avec un titre d’album comme From Gagarin's Point of View, les gens se demandent : " Qu'est-ce que c'est ? Cela ne peut pas être du jazz !" Et c'est ça qui est super ! », Esbjörn Svensson.

E.S.T. (ou Esbjörn Svensson Trio) est un ensemble de jazz suédois, composé du contrebassiste Dan Berglund, du batteur et percussionniste Magnus Östrom, et du pianiste et compositeur Esbjörn Svensson. Ce dernier reste essentiel quant à la construction des choix artistiques du trio.

Un pianiste

Esbjörn Svensson est né en 1964, à Västeras, ville industrielle suédoise, d’un peu plus de cent mille habitants. Comme beaucoup de petits garçons, ses goûts musicaux se construisent au contact de sa mère, pianiste classique, de son père, collectionneur de disques de Duke Ellington et grand amateur de jazz. L’enfant est également un fervent de la radio suédoise, où il peut écouter les tubes pop venus du monde entier. Il s’essaie ainsi dans sa chambre à fredonner le « Ballroom Blitz » du groupe de Glam rock Sweet. Et, comme aussi souvent, c’est au lycée qu’il monte ses premiers groupes de rock, tout en suivant des leçons de piano.

Il Parfait sa formation technique à l’Université de Stockholm Kungliga Musikhögskolan (déplorant la part congrue de l’enseignement réservée à l’improvisation), où il apprend à goûter les œuvres du pianiste Jan Johansson. Ce dernier, dont la renommée ne traversera qu’à peine les frontières du pays, décède prématurément en 1968 des suites d’un accident de voiture, mais reste une influence déterminante du jeune homme. Figurent également au panthéon de Svensson les pianistes américains Keith Jarrett et Chick Corea, dont il est très vite en capacité de reproduire les tics stylistiques.

Dès les années 80, le jeune musicien est reconnu sur la scène scandinave, développant un style parfaitement original, alliant mélancolie et humour, gravité et exubérance. Il ouvre son piano, en pince les cordes pour se rapprocher des sonorités de la guitare, joue « Yesterday » des Beatles (car le géant Erroll Garner en faisait autant sur son clavier), tente de transcrire en jazz des chansons de Slade et s’intéresse déjà aux ordinateurs. En 1985, il crée néanmoins un duo de jazz bop orthodoxe, en compagnie du batteur Fredrik Norén.

Un trio de légende

C’est en 1990 qu’il monte son premier trio, incluant son ami d’enfance le batteur Magnus Östrom. En 1993, la formation est complétée par le contrebassiste Dan Berglund. Un premier album (When Everyone Has Gone) contribue très rapidement à pérenniser le nom du groupe dans son pays d’origine. Près d’une douzaine d’autres disques suivront, avec un succès croissant et un sens exponentiel de la transgression des genres. Dès ces prémices, les trois musiciens s’appuient en effet sur une double culture, réunissant enfin Thelonious Monk et Robert Wyatt, une approche harmonique originale se mêlant à l’influence du pianiste Bill Evans.

Ils développent de plus un sens aiguë de l’improvisation collective et se montrent tout aussi à l’aise face à une audience jazz que devant un public franchement rock, à qui ils vont jusqu’à proposer des light shows et autres effets de fumée. Dès cette époque, le trio prend l’habitude de se produire sur scène en compagnie de choristes.

En 1995 (alors qu’est édité l’album en public Mr. & Mrs. Handkerchief – plus de six années plus tard réédité en Europe sous le titre E.S.T. Live 95), Svensson est célébré comme musicien suédois de l’année. Il en est de même en 1996, lorsque l’album E.S.T. Plays Monk souligne les choix audacieux du pianiste.

En 1997, l’album Winter in Venice est récompensé du Grammy Award suédois de l’album de jazz de l’année. Esbjörn Svensson met à profit quelques instants de liberté pour enregistrer avec la chanteuse Viktoria Tolstoy, arrière-arrière-petite-fille de l’écrivain russe Léon Tolstoï (album White Russian).

Dès 1999, From Gagarin’s Point of View est le premier disque du groupe a être distribué à l’échelle planétaire.

Une reconnaissance

En 1998, le pianiste se voit attribuer les lauriers de compositeur suédois de l’année. En 2001, l’album Good Morning Susie Soho est consacré meilleur album de jazz en Grande-Bretagne. Strange Place for Snow (incluant la pièce « Serenade for the Renegade » en hommage à Radiohead), édité en 2002, consacre définitivement E.S.T. sur la scène internationale et reçoit de nombreux prix en Allemagne, en France, ainsi qu’au MIDEM (Marché international du Disque et de l’Edition musicale).

En 2003, le trio se voit, toujours en France, gratifié du prix de la Révélation internationale aux Victoires du jazz, à l’occasion de la sortie de l’album Seven Days of Falling. Il n’est alors pas rare que les concerts du groupe s’achèvent, public debout, par un standard de jazz fredonné en chœur par l’ensemble de l’assistance.

Au mois de décembre 2004, Esbjörn Svensson se voit décerner le Prix Hans Koller (compositeur autrichien, peintre abstrait et praticien virtuose du saxophone) du meilleur musicien européen de l’année. 2005 célèbre la sortie d’un double album : Viaticum est composé de pièces enregistrées en studio, et de sélections extraites d’un concert de Berlin.

L’album Tuesday in Wonderland (2006) ouvre la musique du groupe à un public plus jeune, plutôt amateur de groupes comme Radiohead. La même année, le groupe est la première formation européenne à occuper la couverture du prestigieux magazine américain Downbeat.

L’album E.S.T. Live in Hamburg est édité en 2007. Au début de l’année 2008, E.S.T. a mis la dernière main à un nouvel album, Leucocyte, projet Sonore mêlant une fois encore l’acoustique d’un trio de jazz traditionnel à des sonorités électroniques.

Une tragédie

Le 14 juin 2008, Esbjörn Svensson meurt tragiquement d’un accident de plongée sous-marine dans la Baltique, dans l’archipel d’Ingarö, proche de Stockholm. Il se livrait à son Sport favori, en compagnie d’un groupe d’amis, encadré par un instructeur. Malgré un transport d’urgence par hélicoptère à l’hôpital de l’université de Karolinska, il n’a pu être ranimé. Il était âgé de quarante-quatre ans. Il était marié et père de deux enfants.

De la musique baroque à la techno, de grandes plages électroniques à des figures rythmiques en répétition hypnotique, E.S.T. a élaboré un langage musical original, redéfinissant les limites du jazz contemporain et recueillant un succès tant critique que commercial. La disparition prématurée de son leader ne peut que souligner un sentiment d’inachevé face à une œuvre profondément novatrice.

Copyright 2015 Music Story Christian Larrède



08/10/2016
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