Pianistes
Nina SIMONE
Eunice Katleen Waymon a dix ans lorsqu'elle donne son premier concert au piano, dans l'église de la petite ville de Tryon, en Caroline du Nord, où elle est née en 1933.
Fiers à juste titre, ses parents ouvriers se sont installés au premier rang, pour écouter leur fille (ils ont sept autres enfants). Mais on les fait déménager vers le fond, pour laisser la place à des blancs.
Cet événement est fondateur, la petite Eunice en conçoit une rage sourde qui la fera monter au créneau lors de la lutte pour les droits civiques, et qui la laissera révoltée à jamais. Ce jour-là, elle refuse de jouer tant qu'on n'a pas réintégré ses géniteurs à leur juste place, et jamais plus, elle ne se laissera faire, même si la vie ne lui sera pas toujours douce.
Casque d'OR
À huit ans, elle découvre le piano à l'église, puis prend des leçons payées par l'employeur de sa mère comme femme de ménage, qui a entendu parler de son don. À 17 ans, elle s'installe à Philadelphie où elle donne des cours de piano et accompagne des chanteurs, pour financer ses études de musicienne classique à la prestigieuse Juilliard School Of Music de New York. Mais quand on est Noire, elle s'en rend bien compte, la tâche est plus difficile encore.
C'est à Atlantic City, où elle auditionne pour chanter dans un restaurant, que le patron lui suggère fortement, si elle veut la place, de chanter en même temps qu'elle joue. Nous sommes en 1954 et, pour que sa mère, fervente méthodiste, ignore qu'elle joue la « musique du diable », elle se choisit un pseudonyme : Nina, qui veut dire petite fille en espagnol, et Simone en hommage à l'actrice française de Casque d'or. Dans ce bar, elle joue du jazz, du blues, un peu de classique, et se forge petit à petit un réseau de spectateurs, qui la suivent de club en club. C'est en 1958 qu'elle enregistre son premier disque, une reprise de « Porgy & Bess », dont le bon accueil lui permet de signer avec le petit label Bethlehem Records.
Elle enregistre alors son premier album, Little Girl Blue, avec Jimmy Bond à la basse et Tootie Heath à la batterie. Totalement inexpérimentée, elle en cède tous les droits à son label en échange de 3000 dollars. Les droits futurs du seul « My Baby Just Cares For Me » lui en auraient fait gagner un million, après que Chanel ait choisi cette chanson pour illustrer un spot dans les années 80, la remettant au goût du jour...
Les années COLPIX
Elle signe ensuite avec Colpix Records, un plus gros label, qui lui accorde toute liberté dans le choix et la réalisation de ses chansons. Elle sort entre 1959 et 1964 neuf albums chez Colpix, dont six live et une compilation : à cette époque, Nina Simone poursuit et ses études et son rêve d'instrumentiste classique, et elle chante de la pop pour gagner sa vie. Ces albums sont des florilèges de traditionnels, (« House of the Rising Sun » qu'elle reprend deux ans avant The Animals et Bob Dylan), de standards qu'elle redessine de sa touche, avec quelques compositions personnelles. Elle consacre également un album entier à ses versions de morceaux de Duke Ellington.
Mais en 1964, en plein mouvement des droits civiques, son militantisme est réactivé et renforcé par la situation politique et par ses fréquentations. Elle signe alors avec Philips, et sur son premier album pour la marque alors hollandaise, Nina Simone In Concert, elle termine par une protest song de sa main, « Mississipi Goddam », un hommage au militant des droits civiques assassiné Medgar Evers et une dénonciation des églises (et des enfants) brûlés par les membres du Ku Klux Klan, à Birmingham (Alabama).
Nina chante le blues
Sortie en single, la chanson sera boycottée dans de nombreux états du Sud des USA. Devenue par son talent et son attitude une rare diva, à la fois politique et artistique, Nina Simone poursuit une carrière marquée par ses engagements, avec six albums chez Philips. Elle chante dans les meetings, enchaîne les chansons féministes, reprend le mythique « Strange Fruit » de Billie Holiday, et voue son art à la défense des droits de son peuple. Elle écrit, avec le poète africain-américain Langston Hughes (un ami), « Backlash Blues », pour son premier album chez RCA, en 1967, Nina Simone Sings The Blues. Chez RCA, ce sont huit albums (dont deux live) qu'elle va produire, jusqu'en 1974, avec nombre de chansons clés : « Young Gifted & Black », sur l'album de 1970 Black Gold (qui sera reprise par Donny Hathaway et par Aretha Franklin), et cette perpétuelle gravité qui fait que Nina Simone n'est pas une « entertainer » mais une véritable artiste à la profondeur inégalée.
À l'orée des années 1970, la vie de Nina Simone va devenir compliquée. Elle quitte son pays pour s'établir un temps à La Barbade. Mais son mari-manager d'alors prend ça pour une façon de divorce ! Aussi elle n'a aucune idée de la manière dont sont (ou ne sont pas) gérées ses affaires, et quand elle revient aux Etats-Unis, elle réalise qu'elle encourt des poursuites pour des taxes et impôts non payés. Elle doit alors fuir, vers La Barbade, encore, où elle réside quelques années, en ayant une relation amoureuse avec le Premier Ministre Erroll Barrow.
Ensuite, sur l'invitation de son amie Miriam Makeba, elle s'installe au Liberia, puis elle vivra en Suisse, en Hollande avant de se fixer dans le sud de la France en 1992, à Carry-Le-Rouet, dans les Bouches-du-Rhône. Après son dernier album pour RCA, It's Finished, en 1974, elle attend quatre années avant de se laisser convaincre d'enregistrer à nouveau, pour un petit label de jazz. Puis, elle continuera, bon an mal an, à sortir des disques, dont plusieurs live, puisqu'elle joue toujours sur scène pour un public fasciné par son aura de diva. Son dernier album studio, A Single Woman, chez Elektra, date de 1993.
Nina à l'écran
Si Nina Simone garde l'image d'une artiste solitaire, écorchée vive, son impact a été phénoménal sur plusieurs générations. Pour preuve, on citera les samples choisis ces dernières années par Timbaland, Common, Kanye West, Lil Wayne, Talib Kweli ou will.i.am (Black Eyed Peas) dans son répertoire, pour construire leurs chansons. Elle fut une interprète majeure, s'appropriant des standards avec une telle force qu'elle les faisait siens, même en français, sa version de « Ne me quitte pas » de Jacques Brel est incontournable. En grande prêtresse de la soul, elle a touché a tous les genres, folk, jazz, blues, classique, avec un égal bonheur. Elle a influencé radicalement nombre d'artistes d'aujourd'hui, de Mary J. Blige (qui devrait l'interpréter dans un biopic prévu pour 2009) a Alicia Keys ou Lauryn Hill, mais aussi eut un impact très fort sur John Lennon ou Jeff Buckley. Sur scène, elle fut une performeuse hors pair, se lançant dans des monologues enflammés. Quant à ses chansons, elles figurent au générique de plusieurs dizaines de films.
Après cette vie parfois chaotique (souffrant d'un désordre mental, elle pouvait devenir agressive et tira une fois sur le fils d'un voisin qui troublait sa concentration, une autre fois sur un employé de maison de disques qu'elle soupçonnait d'irrégularité sur ses royalties), cette rage dévorante contre l'injustice (elle était partisane d'une révolution dure, et opposée au pacifisme de Martin Luther King, à qui elle rendit pourtant souvent hommage), Nina Simone aura marqué le vingtième siècle, et inscrit son nom au panthéon des artistes majeurs. Elle décède en 2003, dans son village près d'Aix-en-Provence, d'un cancer du sein, à l'âge de 70 ans. Ses cendres seront éparpillées dans divers pays africains.
Copyright 2016 Music Story Jean-Eric Perrin
Anne BISSON
BIOGRAPHIE
Anne Bisson commence à étudier le piano classique dès l’âge de 6 ans. À onze ans, elle compose sa première chanson sur une vieille guitare qu’un ami lui offre. C’est le début d’un grand amour! Anne confie tous ses états d’âme à cette vieille guitare et à son piano. Après ses études secondaires, elle décide donc de s’inscrire au CEGEP St-Laurent en piano classique et prend le violon comme instrument second.
Ce n’est qu’à l’Université de Montréal qu’elle a sa vraie première rencontre avec le jazz! Pendant ses études en piano classique avec William Stevens (1921-1997) elle a la chance de jouer dans la section rythmique du Big Band de cette même institution. Pendant deux ans, elle répète ses pièces classiques le jour… et le soir, elle se laisse entraîner par la musique endiablée d’un Louis Armstrong ou d’un Georges Gershwin! Durant cette période, elle commence à jouer dans les bars de jazz de Montréal avec son propre groupe et fait plusieurs apparitions sur toutes les chaînes de télévisions francophones et anglophones de l’époque!
En 1984, elle obtient son Baccalauréat en piano classique, mais elle remporte aussi la Finale du Concours Les étoiles Du Maurier à Radio-Canada. Enregistrée devant public au prestigieux studio 42 de Radio-Canada, elle chante « The Sea » et « Images et réfractions », deux de ses compositions. Cette émission marque le vrai début de sa carrière de chanteuse.
Puis, tout s’enchaîne… D’abord un album compilation avec Les Entreprises Radio-Canada en association avec le Festival de Granby (1985). Puis une audition importante: celle de l’Opéra Starmania! En 1986, elle y décroche le rôle de Cristal et enregistre sur disque un des Opéra Rock les plus marquants de l’histoire du Québec et de la France. Tournée au Québec, spectacle à la Place des Arts de Montréal, Anne a la piqûre de la scène et songe à faire une carrière solo.
En 1987, une autre tournée importante lui est proposée: la tournée des Forces Armées Canadiennes avec un des meilleurs groupe de l’heure: Chilliwack! Bill Henderson le leader du groupe, lui sert de modèle et d’inspiration. Elle chante pour les casques Bleus basés en Israël, en Égypte, en Allemagne et à Chypre. Tout ce métissage culturel va enrichir le vocabulaire musical d’Anne et lui proposer des thèmes d’écriture touchants et variés.
En 1987 elle fait ses débuts à la télévision comme animatrice. En 1993, elle fait un premier album en français, tout en animant une émission jeunesse très populaire sur les ondes de Radio-Canada. En 1995 elle participe aux Francofolies de Montréal.
En 1997 elle part en France avec La compagnie théâtrale Urbi Orbi comme pianiste. Le spectacle s’intitule:Les Contes Urbains, une institution depuis sa création en 1994. Ce spectacle est présenté au Festival Les Météores à Douai au Nord de Paris. Les Français craquent alors pour Anne et la réinvitent en solo l’année suivante au même Festival. Ils ont alors qualifié sa voix de « chaude et veloutée ». Pourtant, Anne veut retravailler sa voix et en explorer toutes les possibilités! Quoi de mieux que le chant classique pour muscler une voix toute en souplesse. Elle confie cette tâche délicate à son professeure de chant, Gail Desmarais.
Comme pianiste de formation classique, Anne connaît bien les compositeurs qui formeront sa voix: Bach, Mozart, Schumann, Brahms, Debussy, Ravel mais aussi les plus contemporains comme Mercure, Rorem, et Donaudy. C’est également à l’Université de Montréal qu’elle apprend l’italien et se familiarise avec la langue allemande.
En mars 2004 elle termine un Baccalauréat en chant classique avec grande distinction et entreprend l’écriture de son nouvel album.
En 2005, Anne décide de laisser l’enseignement. (Elle a été professeure de piano jazz au CEGEP St-Laurent de 1985 à 1991, puis de 1995 à 2005 en enseignement privé).
En juillet 2008, elle entre au Studio Référence de Guy St-Onge pour enregistrer en deux jours seulement l’album Blue Mind. La pré production a été rigoureuse et après plusieurs mois de travail Anne est vraiment prête lorsque le temps vient pour elle de passer à l’action! Elle est accompagnée sur cet album par deux musiciens de grands talents: Normand Guilbault à la contrebasse et Paul Brochu à la batterie. La confiance que Guy St-Onge, réalisateur de l’album lui témoigne, permet à Anne de se livrer sans pudeur et en toute simplicité. Le piano et la voix sont au cœur de sa musique. La contrebasse et la batterie viennent colorer ses pièces, en entourant Anne de chaleur et d’émotion. Ses textes sont extrêmement touchants, imprégnés de son vécu et de celui de ceux et celles qui l’entourent…
Avec l’album Blue Mind, Anne vous propose une expérience musicale qui va droit au cœur!
En novembre 2009, Anne se rend à Toronto pour rencontrer son mentor et ami Wesley Hayden le Vice Président de Universal Music Canada. Celui-ci lui suggère de faire des reprises (standards de jazz) pour son prochain album, puisque dans le marché du jazz c'est souvent un passage obligé... Anne décide de suivre son conseil et entre en studio en mars 2010 toujours avec son ami et complice Guy St-Onge à la réalisation et aux arrangements. Mais pour cet opus, Guy et Anne décide d'y aller avec des pièces plutôt surprenantes comme Us and Them de Pink Floyd et With a little help from my friends des Beatles! Elle y ajoute quand même trois pièces originales ainsi qu'une pièce de Guy et de la chanteuse Julie LeBon. L'instrumentation est variée: quatuor à cordes, section de cuivres, guitares de toutes sortes, accordéon, flûte, clarinette, piano... et évidemment quelques pièces en trio avec ses deux complices de Blue Mind: Paul Brochu(Batterie), et Normand Guilbault (contrebasse).
Portraits & Perfumes est un album unique, éclectique et coloré qui est sorti e 21 juin 2011 tout juste avant ses prestations au Festival International de jazz de Montréal (Savoy du Métropolis). Cet album est distribué au Canada par DEP\Universal Music Canada sous l'étiquette audiophile Camilio Records.